C'est comme une fin

Publié le par clo

Ci-dessous, un très beau témoignage écrit par Hicham :

Le blog d' hicham :
http://club-jade.over-blog.com

26 mars

Voilà. J’y suis, dedans, dans le trou, c’est le début.

Je suis dans le train, assis, le fauteuil est confortable. Il part en ce moment même de Chartres,  pour Paris. C’est un TER, train express régional. Moi, je ne suis pas en mode express. Je suis sonné, au radar, complètement sonné. 

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Derrière moi, à quelque minutes seulement, j’ai laissé ma fille, sa mère, mes affaires, une vie quoi.

Je n’ai plus la force, plus l’énergie.
Je n’ai plus 20 ans, ni même 30. Cette année, en septembre, j’en aurai 40.
C’est le mois de mars, la fin du mois. Dans quelques jours ma fille aura 5 ans et, ce soir, je l’abandonne. Provisoirement ? Eternellement ? Je n’en sais rien.
Ce soir je ne suis pas en mesure de comprendre, de savoir quelles sont les choses, où elles me mènent, où elles mèneront. Simplement j’ai laissé ma fille, mon enfant. Quel cadeau pour son anniversaire...!

Où vais-je dormir ce soir ? Il est 21h00. Je n’en ai aucune idée. Dans moins d’une heure je serai à Paris, à la gare Montparnasse. Après ? Peut-être sous une tente. Je vais aller au canal Saint-Martin, voir les Don Quichottes.

Peut-être que je me fait un moulin, je brasse du vent, celui de l’espoir. Mais quel espoir ? Je ne parviens pas à le nommer.
Cà commence à être triste tout çà. Peut-être que çà l’est depuis le début. Mais où est le début, quand le début ? Lorsque je suis né ? Quand j’ai commencé à comprendre ? Ou lorsque je fus enfin trop déçu ? Je pense que c’est çà, j’ai épuisé ma réserve et ne sais plus où cracher ma déception.

J’avoue, j’ai le cœur gros. Je voulais être un bon père, pensais y parvenir. Mais avant il faut déjà être un bon compagnon, tout au moins satisfaire sa compagne.
Cruel échec.
Beaucoup de soucis, beaucoup d’énergie dépensée pour sauver des meubles. Cà n’a pas empêché la maison de s’écrouler. Moi avec.

Peut-être que pour être un compagnon satisfaisant, il faut déjà avoir été un bon fils, un bon enfant.  Je ne l’ai pas été. Mais pour l’heure je n’ai pas envie de penser à ma mère. Mon père est mort. Sans doute est-ce mieux ainsi.
J’attends mon tour également. Sans impatience mais je l’attends. Depuis longtemps déjà, avant la naissance de ma fille peut-être. Sans doute ais-je commis une erreur en devenant père, une de plus, même si ma fille n’est pas une erreur.

Le train avance toujours. Dans 20 minutes il s'arrêtera à Versailles. Cet arrêt est étrange ce soir. Là-bas il y a le château, un beau château. Moi, c’est dans la rue que je vais  dormir. Mais passons, regardons ailleurs. Où ? C’est cela mon dilemme. A la vérité je n’ai pas envie de chercher, plus la force encore une fois. Je fais ce que je peux pour ne pas penser à ma fille, pour ne pas m’écrouler plus encore. C’est comme une fin. J’assiste à ma propre mort. Mais n’est-ce pas ainsi tous les jours ? Chaque jour nous vivons notre mort. En directe. Qui en a conscience ?
Il faut avoir du temps pour cela, un certain état d’esprit. Mais le travail, les fêtes, l’éducation à donner aux enfants ne permet d’en avoir conscience. L’esprit est trop occupé, trop accaparé pour se rendre compte que la matinée, déjà, n’existe plus, n’est plus. Arrive le soir et l’on se couche sans réaliser que l’après-midi, elle aussi, a définitivement disparu.
Sans doute est-ce le bon côté des responsabilités, bien travailler, bien élever son enfant, satisfaire sa compagne, ses amis, sa famille, ses voisins.

Ce doit être çà mon état d’esprit, irresponsable ce soir.

Le blog d' hicham : http://club-jade.over-blog.com

Publié dans Pères mis à l'écart

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H
Bonne l'idée du train!
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